Maïra Schmitt (Louise, Un soupçon) : « J’avais l’impression de passer mes journées à pleurer... »
Maïra Schmitt campe Louise Dubreuil dans la série Un soupçon sur l’antenne de France 2. Avant la suite et fin de cette série ce mercredi 23 octobre 2024, la comédienne est revenue sur le travail de composition de ce personnage.
Emmanuel Lassabe : Vous interprétez Louise Dubreuil, la fille de Pascal Dubreuil, dans la série Un soupçon. Quelles sont ses relations avec son père depuis qu’il est avec Isabelle ?
Maïra Schmitt : Je n’ai jamais tourné avec Cyril Lecomte, qui joue mon père, donc je n’avais pas trop d’informations. Cependant, les relations étaient plutôt bonnes. C’était une famille assez unie, surtout avec Isabelle. C’était un peu la belle-mère idéale pour mon personnage, puisqu’elles s’appréciaient beaucoup. J’ai créé une sorte d’imaginaire dans lequel on s’entendait très bien. Quand Louise, mon personnage, apprend la mort de son père, elle demande immédiatement si Isabelle est au courant. Ce sont toutes ces petites informations qui m’ont permis de penser que c’était quand même une famille assez unie malgré tout.
Pourtant Jérémy Dubreuil affirme qu’Isabelle était toxique et pourrait avoir un lien avec la descente aux enfers de leur père. Pourquoi Louise n’y croit-elle pas ?
C’est à cause de cette image plutôt joyeuse de la famille qu’elle garde en tête. Pour Louise, Isabelle était comme une seconde maman, car sa mère biologique est morte dans l’histoire. Elle s’est un peu accrochée à Isabelle comme à une figure maternelle. Jérémy, qui est un peu plus âgé, a déjà remarqué qu’Isabelle n’était pas normale. Mais Louise refuse d’y penser au début et elle n’est pas d’accord avec ce que pense Jérémy.
Jérémy va-t-il néanmoins lui ouvrir les yeux sur le véritable comportement d’Isabelle ?
Oui, c’est son frère, donc j’imagine qu’on écoute toujours les membres de sa famille dans ce genre d’histoire. Il y a beaucoup d’éléments qui font comprendre à Louise qu’Isabelle est bel et bien liée à toute cette affaire.
« Louise sent qu’Isabelle la manipule parce qu’elle commence à douter d’elle. »
Lorsque son frère est accusé du meurtre, elle prend sa défense face à la manipulation d’Isabelle. A-t-elle des doutes sur l’identité du meurtrier de son père à ce moment-là ?
Mon personnage était déjà certain que ce n’était pas son frère, jusqu’à ce qu’Isabelle lui parle. Louise est assez naïve, mais pas à ce point-là. Je pense qu’elle sait que même s’il y avait des désaccords entre son père et son frère, ça ne serait jamais allé aussi loin. À ce moment-là, je pense qu’elle a un déclic. Louise est assez intelligente et elle sent qu’Isabelle la manipule. Elle commence à douter d’Isabelle en découvrant de nouveaux éléments. Elle se rend compte que ce n’est pas normal qu’Isabelle fasse venir son ex-mari et son fils dans la maison. Cela marque un tournant dans la perception qu’a Louise d’Isabelle.
Il y a aussi ce déclic lorsqu’elle lit le journal où l’affaire éclate grâce au coup de génie de la capitaine Delbosc. Comment réagit Louise à cette révélation ?
Elle réagit très mal. Toute la famille qu’elle avait réussi à reconstruire s’effondre, en plus du deuil qu’elle doit affronter. Je pense qu’il est impossible d’avoir une bonne réaction dans ce genre de situation, à moins d’être un fou. Louise est très triste, c’est une évidence.
Louise va néanmoins tout faire pour rendre Isabelle coupable et trouver les preuves qui l’incriminent. Comment avez-vous abordé le dilemme intérieur de votre personnage, qui oscille entre la confiance qu’elle a en son frère et les doutes sur la culpabilité d’Isabelle ?
C’était vraiment intéressant de travailler sur ce dilemme, d’autant plus que, dans la vie, je suis fille unique. J’ai dû imaginer ce que cela fait d’avoir autant de confiance en un frère ou en une belle-famille, car c’est une situation que je ne connais pas dans la réalité. Les doutes sur Isabelle naissent au fur et à mesure des éléments que Louise découvre au cours de l’enquête, car elle la suit de près. C’était une accumulation progressive pour mon personnage. Je me souviens du tournage, j’avais l’impression de passer mes journées à pleurer. C’était vraiment très éloigné de ce que je vis dans ma vie personnelle.
« J’ai vraiment poussé le curseur au maximum. »
Ce rôle a-t-il été un vrai travail de composition pour vous ?
J’ai regardé des émissions sur le sujet, car c’est tiré d’une histoire vraie. Je voulais avoir quelques éléments de contexte. On ne parle pas souvent des enfants des victimes dans ce genre d’émission, car c’est trop douloureux, même des années après. J’ai donc beaucoup imaginé pour essayer de rendre ça le plus juste possible. C’est certain que la douleur que ressentent les enfants dans ces situations est bien plus forte que ce que l’on peut imaginer. J’ai vraiment essayé de pousser le curseur au maximum.
Vous interprétez également Éloïse Mattei, qui était de retour dans la saison 11 de la série Léo Mattei, diffusée en 2024. Votre personnage sera-t-il de la partie pour la saison 2025 ?
Je suis actuellement en tournage. Éloïse revient. Elle ne travaille pas encore avec Léo, mais elle revient faire un petit coucou.
Comment jugez-vous son évolution depuis la « happy end » de 2020 ?
Quand je repense à Éloïse, je me dis que c’est l’incarnation de la résilience. Elle est devenue beaucoup plus solaire. Si je regarde les épisodes que nous avons tournés il y a 7 ans, je ne reconnais pas du tout la Éloïse d’aujourd’hui. Elle a grandi, elle est plus mature. C’est le personnage que j’ai le plus souvent incarné, donc j’ai évolué avec elle. Elle était mon opposé total au début, mais elle est devenue progressivement mon double. Je suis contente de voir à quel point elle arrive à trouver de la joie et que la relation avec son père (Jean-Luc Reichmann) s’améliore au fil des années, même si c’est encore fragile.
« Éloïse Mattei peut aller n’importe où, je la suivrai. »
Aimeriez-vous voir Éloïse prendre une nouvelle direction, tant au niveau professionnel que personnel dans la série ?
J’aime bien qu’Éloïse soit un personnage secondaire auquel on peut s’attacher sans trop attendre. Je suis contente qu’elle soit là pour apporter du bonheur à Léo Mattei. Je suis adepte des seconds rôles, et c’est un peu mon créneau. Je suis habituée à accompagner les premiers rôles, à les mettre en avant. Je ne souhaite pas prendre trop de place. J’aimerais voir Éloïse prendre un nouveau tournant, mais je suis ouverte à toute évolution. Où qu’elle aille, je la suivrai.
Avez-vous d’autres projets en parallèle ?
Je vais réaliser mon premier film en décembre 2024, L’embryon, que j’ai écrit. Cela me réjouit énormément, car cela fait très longtemps que je travaille dessus. Je m’inspire de mes études en psychologie pour créer ce projet. J’avais besoin d’explorer cette autre facette de la création. J’aime aussi prendre des décisions et créer des choses de toutes pièces.
Avez-vous proposé de réaliser un épisode de Léo Mattei, à l’instar de Laurent Ournac dans Camping Paradis ?
C’est un processus complètement différent. Dans L’Embryon, je travaille avec un producteur, mais nous créons tout de A à Z. C’est un univers que je peux imaginer et créer avec une certaine liberté. Pour Léo Mattei, c’est une série destinée à une chaîne de télévision, donc il y a des normes à respecter. C’est un métier encore différent, et il faut savoir s’adapter à tout ça, ce que je trouve passionnant. Pour l’instant, je ne pense pas avoir les épaules pour réaliser un épisode de la série. De plus, j’adore la réalisatrice actuelle, Nathalie Lecoultre, et je ne voudrais pas lui prendre son travail, d’autant plus que tout se passe très bien.